Annulation de la loi de prolongation des centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2. Et maintenant ?

La cour constitutionnelle annule la loi prolongation de Doel 1 et Doel 2 votée en 2015.  Cette loi prolongeait ces deux unités jusqu’en 2025. Raison de l’annulation : aucune consultation du public et aucune étude d’incidence environnementale n’ont été réalisées alors que l’Europe l’exige. Néanmoins la cour constitutionnelle autorise le fait que Doel 1 et Doel 2 puissent continuer à fonctionner jusqu’en décembre 2022 en invoquant le problème de sécurité d’approvisionnement, ce qui peut paraître ridicule car il n’y a pas vraiment de problème de sécurité d’approvisionnement avant 2022. En gros, pour pouvoir prolonger Doel 1 et Doel 2 au-delà de cette date, il faudra :

  1. Réaliser une consultation du public et une étude environnementale.
  2. Revoter une loi de prolongation de Doel 1 et Doel 2. Cela pourrait s’avérer plus difficile à faire encore qu’en 2015 si l’étude d’incidence environnementale et/ou la consultation publique s’avéraient défavorables à la prolongation de Doel 1 et Doel 2.  On se souvient de la saga que cette prolongation avait causée en 2015 !

On notera qu’on perdra Doel 3 aussi en 2022 et Tihange 2 en 2023. Une situation de pénurie d’approvisionnement se profile dès lors pour la période 2023-2025 car on n’aura pas de centrales au gaz construites avant 2025 pour les remplacer. On notera aussi que vu cet arrêté de la cour constitutionnelle, les compagnies qui décideront d’investir dans des centrales au gaz voudront d’abord avoir une étude environnementale et une consultation publique faites dans les règles de l’art avant de consentir à des investissements importants, ce qui pourrait  éventuellement  retarder leur construction et exposer encore plus la Belgique à un problème de sécurité d’approvisionnement.

Electrabel a investi beaucoup d’argent pour prolonger Doel 1 et Doel 2 et doit encore investir de l’argent dans ces unités pour pouvoir les prolonger. Il ne serait dès lors pas étonnant au vu l’incertitude liée à la prolongation de ces centrales au-délà de 2022, qu’Electrabel jette l’éponge et décide même de fermer anticipativement ces unités. C’est un scénario  probable. Tout dépend quel montant Electrabel doit encore investir dans ces unités à l’avenir. Enfin, Electrabel évite quand même un scénario qui aurait pu être pire : une fermeture immédiate de Doel 1 et Doel 2.

Quoi qu’il en soit, le futur gouvernement fédéral devra soit être créatif, soit rediscuter de la prolongation d’unités nucléaires – en tous les cas de Doel  1 et Doel 2 –  pour garantir notre sécurité d’approvisionnement entre 2023 et 2025.

On termine ce billet par une anecdote très belge. Il y a un risque que si Doel 1 et Doel 2 ferment avant 2025, le gouvernement fédéral doive verser une compensation à Electrabel. Or cette plainte a été déposée à la cour constitutionnelle par deux organisations subventionnées par le public et hautement politisées : inter-environnement wallonie (IEW) et sa soeur flamande Bond Beter Leefmilieu. On pourra donc dire que le public aura déposé une plainte contre le public pour payer une amende au privé. Quel pays de fous.

 


Comments

9 responses to “Annulation de la loi de prolongation des centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2. Et maintenant ?”

  1. Pierre Remy Avatar
    Pierre Remy

    Comme vous l’avez très bien démontré , ces décideurs ne connaissent rien en matière technique et puisqu’il faut
    400 à 500 éoliennes dépendant de leur capacité pour remplacer une centrale conventionnelle , où vont-ils les mettre ???et surtout quand ???
    On est vraiment dirigé par des incapables !!!
    Bien à vous Professeur Ernst .

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    1. Olivier B Avatar
      Olivier B

      500 éoliennes ? Comptez plus tôt 3x plus au vu du facteur de charge. Et n’oubliez pas la solution de stockage magique. 🙂
      Quel merveilleux pays qu’est la Belgique pour saborder sa source d’électricité bas carbone la plus abondante…

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  2. Cappendijk Avatar
    Cappendijk

    Ne vous inquiétez pas, le coronavirus va nous sortir de ce problème…

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  3. Cappendijk Avatar
    Cappendijk

    Nous avons donc un nouveau défi.
    Cette décision aura bien entendu des conséquences et est totalement incompatible avec l’utopie du transport électrique.
    Je trouve néanmoins sage de fermer des centrales obsolètes et regrette le manque d’anticipation.
    Certes, le nucléaire restera indispensable pour de nombreux domaines mais c’est une technologie qui nécessite d’extrêmes précautions et si certaines balises peuvent sembler excessives pour certains, la prudence doit être de mise.
    Nous devons tendre vers un système moins énergivore et apprendre à composer avec moins d’énergie est un élément sur lequel nous devons donc également travailler.
    Sans problème, personne ne cherche de solution et l’importance d’un problème est proportionnel à l’énergie que l’on va consacrer à le résoudre.
    L’Europe n’a-t-elle débloqué un budget de 1000M€ pour la « transition énergétique »?
    Il reste tant de pistes à explorer et je suis surpris de ne pa

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  4. Albert Vicaire Avatar
    Albert Vicaire

    Si vous le permettez, nous attendrons aussi l’avis de la CREG pour prendre une décision. Le comportement du secteur nucléaire qui impulse des solutions non respectueuses des lois (ne me dites pas qu’il n”y a pas là le résultat d’un lobbying intensif) est inquiétant et laisse septique sur l’ensemble du message de cette filière.
    Engie aurait mieux fait, en effet, d’investir les 700 millions prévus pour ce prolongement dans la fabrication d’éoliennes qui aurait pu être encore en activité dans 25 ans. Maintenant, ENGIE a deux ans pour nous les faire payer.
    Albert Vicaire. Député fédéral

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  5. L’Hoir Daniel Avatar
    L’Hoir Daniel

    La Belgique a une grande tradition de politiciens visionnaires à long terme.
    Achille van Acker il y a plus d’un demi siècle avait déjà déclaré « J’agis et je réfléchis ensuite. »
    On est pas sorti de l’auberge!

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  6. Philippe Cauwe Avatar
    Philippe Cauwe

    Nos centrales sont dérivées des centrale USA Westhinghouse et au moins aussi fiables sinon plus. Toutes les centrales US sont prolongées à 60 ans dont 2 à 80 ans. Les ENRi sont un commerce de subventions et ne résolvent pas le problème du CO2. A 140 €/MW cela a couté 900 millions € en 2018. L’intermittence entraine 3 kWh de gaz pour chaque kWh éolien chargé à 25% et 9 kWh de gaz pour chaque kWh PV chargé à 10%. Le stockage d’électricité n’existe pas encore, peut-être dans 20-40 ans. L’hydrogène se produit avec un rendement global de 35%, il faut trois fois plus d’électricité pour en produire que l’énergie que l’on entirera. Si c’est des éoliennes à 25% de charge à chaque MW installé il faut ajouter 8.75 MW pour produire de l’hydrogène; ou ajouter 26 MW de PV à chaque MW PV installé qui a un taux de charge de 10%. Le nucléaire c’est aujourd’hui 5400 MW à 80% de disponibilité et pilotable. Pour 100% éolien il faudrait installer 54000 MW ou 21600 éoliennes de 2.5 MW ou 32.4 milliards€ et elles occupent 65 km². C’est pratiquement le cout de 5 EPR de série de 1600 MW ou 8000 MW au total qui assureraient la totalité des besoins pour 75 ans et occuperaient 500 ha au sol…et pour le tiers de l’investissement. Le nucléaire répond à tous les critères internationaux d’énergie propre (12 grCO2/kWh), durable et renouvelable (des millénaires de réserve avec les nouveaux réacteurs à neutrons rapides). Il y a 440 réacteurs dans le monde, 60 en construction dont 30 en Chine, d’autres en Pologne, Bulgarie, Russie…, Les déchets sont traités de manière techniquement et scientifiquement prouvée, les déchets à haute activité et longue vie représentent 5 dés à coudre par an par habitant. L’enfouissement contrôlé est moins radioactif (0.025 mSv dans le pire des cas, la radioactivité naturelle en Europe est 3 mSv) que les exemples de réacteurs nucléaires naturels qui existent au Canada et au Gabon sans répercussion sur l’environnement. Essayons de nous détacher des affirmations dogmatiques des Ecolo qui ont fait de leur idées une religion intégriste. La Belgique c’est 0.3% du CO2 mondial. Nous devons moins gaspiller mais nos efforts ne compenseront pas l’accroissement des émissions de l’Afrique qui a aussi droit à notre niveau de vie. Par habitant en Europe nous consommons 2 fois plus de fossiles qu’un africain. L’énergie fossile est encore incontournable pour de nombreuses applications, l’électricité est le secteur le plus favorable pour limiter les émissions de CO2. Le nucléaire est l’énergie la meilleure marché, 5 à 10 fois moins cher. Nos dirigeants, l’Europe jouent avec le feu, sans énergie il n’y a pas de PIB, pas de Secu, Bonjour les gilets jaunes et les black-out. Lire le livre du Pr Samulele Furfari – Energie 2019 – Sur Amazon https://www.amazon.fr/Energie-2019-Hystérie-climatique-croissance/dp/1652319433/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=energie+2019&qid=1583568813&s=books&sr=1-1

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  7. Claude Emile Dierickx Avatar
    Claude Emile Dierickx

    Au pays des aveugles, les borgnes sont rois… En 1973,L’UCL formait une quarantaine d’ingénieurs en génie nucléaire… Il y avait même un projet de développer un accélérateur de particules dans la région de Beauraing…. Les comportements suicidaires et irresponsables des ‘pirates’ de Tchernobyl et des seigneurs de Fukushima ont marqués l’opinion publique… Qui est prêt à relever le défi de la formation… Pour assurer la maintenance, devrons nous faire appel à des spécialistes chinois, russes ou …???

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  8. Max Breuer Avatar
    Max Breuer

    Si vous regardez sur Electricity Map, l’intensité carbone par kWh en Belgique a augmenté drastiquement les dernières semaines. De janvier à mai, on avait l’habitude d’avoir en moyenne 120-130 g par kWh de production et 150-160 g par kWh de consommation. Désormais, la Belgique reste au-dessus de 190 g par kWh ces derniers temps (à part quelques rares descendues à 60 g), et la capacité installée pour le nucléaire est de moins en moins utilisé: tenez, il y a quelque mois, il y avait encore 4,27 GW de nucléaire, maintenant il n’y a que 3,75 GW, et le gaz a produit pour la première fois depuis longtemps plus de 45% de l’électricité en Belgique. Je sais que ces réparations sur Tihange et Doel sont temporaires, mais cela montre à quel point l’intensité carbone de notre pays remonte drastiquement quand un réacteur est à l’arrêt. Quand il n’y aura plus de nucléaire, il restera au grand maximum 7,34 GW de capacité installée de gaz naturel, plus les capacités d’énergies renouvelables, ainsi qu’un peu de fioul. Je crois qu’en tout, pendant une journée bien ensoleillée et venteuse, on pourra encore s’en sortir convenablement. Mais pendant une nuit peu venteuse, on fait quoi? On ne saura pas pousser les 7,34 GW à fond, surtout quand l’on sait que la consommation électrique reste au dessus de 7,5 GW la plupart du temps. Sans parler de l’intensité carbone par kWh, qui selon mes calculs, dépassera sans souci la barre des 300 g de CO2 par kWh. Ecolo et Groen ne savent même pas de quoi ils parlent post-2025. Basés, en plus, sur des arguments qui ne tiennent même pas debout. Je tiens aussi à signaler que les écolos comparent toujours Tihange et Doel avec Tchernobyl et Fukushima. Alors 1) Tchernobyl et Fukushima ne sont pas des PWR comme Doel et Tihange, ce sont des RBMK soviétiques et BWR japonais respectivement. Ces modèles présentes bien plus de risques que les PWR (l’eau radioactive passe directement dans les turbines dans les réacteurs BWR entre autres) 2) Tchernobyl et Fukushima étaient dépourvus d’enceintes de confinement, contrairement à Tihange et Doel 3) Aucun PWR n’a causé un accident nucléaire majeur depuis leur existence. Three Miles Island, certes, a failli tourner à la catastrophe, mais ce PWR avait une enceinte de confinement, lui au moins, ce qui lui a permis d’éviter une contamination du site.
    Les soi-disants micro-fissures dans les réacteurs ne sont absolument pas des micro-fissures. Je ne sais pas qui est le con qui a utilisé ce terme pour qualifier ce qui était en réalité des inclusions d’hydrogène, totalement normal dans la métallurgie, phénomène que l’on rencontre aux étapes de forgeages. En aucun cas ces inclusions peuvent-elles présenter des fissures (qui laisseraient passer de l’eau radioactive), et je trouve ça inadmissible que les écolos se basent sur des arguments médiatiques qui ont été démontrés plusieurs fois.
    Aussi, dernier point, Greenpeace et Ecolo adorent utiliser comme excuse le fait que le nucléaire bloque le développement aux énergies renouvelables. Quoi? C’est absolument absurde, puisque le nucléaire coute justement jusqu’a deux fois moins cher à exploiter que les énergies fossiles, surtout en Belgique. C’est justement en misant sur le gaz comme énergie “pilotable” que le développement va s’empirer. De plus, avec tous les politiciens qui utilisent l’argent des taxes pour marquer leur époque en jouant aux agents immobiliers, ça ne promet pas de marcher comme sur des roulettes.
    Je tiens aussi à saluer par l’occasion Monsieur le Professeur Damien Ernst, qui parvient toujours à démontrer et dénoncer les dogmatismes et idioties vis-à-vis du secteur énergétique. Vous êtes le meilleur!

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